Le plaisir de regarder ce film des
frères Dardenne est celui de voyager dans une certaine idée de la
foi, savoir que pendant une heure trente on va pouvoir réfléchir "l'Autre".
Alors on s'assoit et on regarde une
fille gérer sa culpabilité, frôler la misère sans en être loin
elle-même, une misère toute humaine traversée, presque transpercée
de dons, celui du soin, d'une gaufre, d'un panettone ou d'un café en
poudre. On sent le cheveux mouillé sorti de la douche et qu'on n'a
pas le temps de sécher parce que c'est comme ça, pas le temps du
soin pour soi. Et doucement, infiniment, presque par homéopathie,
les frères Dardenne nous font du bien en désillusionnant les
clichés : l'inspecteur s'appelle Ben Mamoud, et il n'est ni moins
bon ni meilleur qu'un autre, le personnage principal est une jeune
fille noire, la misère sexuelle n'est pas l'apanage du pauvre, la
vocation d'être médecin n'est pas dévolue à une classe sociale précise, les mères
célibataires ne sont pas inconséquentes, incapables ou héroïnes,
un enfant qui joue aux jeux vidéos n'est pas un futur délinquant en
puissance...intense plaisir que de se sentir comme dans une course où
les clichés sont des obstacles, wrouf...un cliché
d'évité...wrouff...un autre et encore un autre...et dans le vent de
la course, s'arrêter ensuite sur du tangible comme des instants de
vérité : un pouls qui augmente, une plaie qui suinte, une respiration
difficile. Bref on peut aussi regarder le film avec son corps.
Et le voyage reste celui au bord d'un
gouffre, de la perte de la Foi : croire ou ne pas croire en la
vie. Ce sont les corps qui jouent avec ce malaise, les corps
souffrants, maladroits, violents, et en face de cela, les regards
fragiles, aimants, troublés, confiants. Jusqu'à la dernière
séquence l'humanité reste complexe, à la fois usée et empathique.
La fille inconnue n'est pas un film difficile puisque c'est un film
qui « croit », et il fait du bien.
Adèle Haënel y est à la fois notre
accompagnatrice, notre voyage et notre doute existentiel.
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