S'il y a une raison de regarder ce film
de Bruno Dumont, c'est parce que le ciel y est bleu. C'est le seul
élément auquel se raccrocher pour garder un peu d'espoir. Dans ce
film pas un seul personnage n'en sauve un autre. La pulsion de vie
vient du ciel, de la lumière des paysages.
La métaphore du film vient de sa bâtisse principale : le typhonium, un bâtiment d'inspiration
égyptienne construit en plein cœur de la baie de Wissant. Une architecture
grandiose mais qui met mal à l'aise, une association contre nature
hyperbolisant toutes celles du film. Dans cette histoire d'un côté
on « anthrophagisme », et de l'autre, sans que cela soit
montré, on pratique l'inceste.
C'est pourtant un film poétique,
touchant, et son charme tient aussi à son aspect surréaliste : on
ne dit pas "ça me gonfle", on gonfle, et plus tard, on vole, comme
dans un rêve (celui que l'on connaît), tout à coup notre
poitrine se soulève, une force nous attire vers le ciel et on vole,
personne n'y croit mais ce n'est pas grave, on sait qu'on l'a vécu,
quelque part, un jour dans une nuit, et que c'était vrai.
Ma Loute est un film à ne pas croire
mais pourtant un cinéma à impulsions de « vérités »,
que ce soit d'un point de vue narratif ou par ses dialogues. Et c'est
la bande son qui nous met au plus près de l'Homme. Ma Loute s'entend
autant qu'il se voit, et c'est un film rempli d'air : le crissement
d'un ventre trop gonflé, le souffle des personnages, les chants
délirants d'Aude Van Peteghem, le vent dans les dunes, le grognement
animal de ma Loute et de son père, les respirations des Van
Peteghem...le film est tout sauf réaliste mais le son l'est
profondément et nous attache aux corps des personnages. Alors le
spectateur est « pris » dans le film et il erre, à la
recherche d'un peu d'humanité qui n'existe pas. Et dans cette
errance, comme un fil conducteur rassurant, l'azur incroyable du
ciel. Les hommes passent, la nature reste.
Regarder « Ma Loute »,
c'est aussi le plaisir de voir se débattre des comédiens cherchant
à comprendre comment ils doivent jouer leur personnage. Fabrice
Luchini et Juliette Binoche souffrent parce que le fil sur lequel on
leur demande de marcher est tellement ténu, entre caricature de
bourgeois, héritage du burlesque et du surréalisme, douce folie
poétique et non-dits...ils sont perdus et l'on imagine, derrière la
caméra, Bruno Dumont en train de chercher comment expliquer l'esprit de son film pour
leur communiquer mais sachant que le comédien "juste" révèle un
au-delà de ses attentes et que son film leur appartient aussi en
cela.
Alors, si vous avez envie de voir un cinéma en train de se trouver, cela sera l'autre raison de regarder ce film.
Alors, si vous avez envie de voir un cinéma en train de se trouver, cela sera l'autre raison de regarder ce film.
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