Ma vie de Courgette / De toutes mes forces

Octobre 2016, sortie du film d'animation de Claude Barras, mai 2017, sortie du film de Chad Chenouga.

Deux films et la même prouesse scénaristique, réussir à rendre supportable ce qui ne l'est pas : la vie d'un enfant après la mort de ses parents.

Dans les mois qui suivent, quel personnage continue de résonner en nous : celui de chair ou de latex? Animation et prises de vue réelles se mélangent, l'essentiel est décuplé : l'énergie des deux films.

Un même but pour chacun : accompagner. Étymologiquement le verbe signifie marcher avec un compagnon (ici deux, Courgette et Nassim).

Pour Nassim, vivre est un combat, un jeu de piste avec les apparences. Pour Courgette c'est une reconstruction, une bulle qu'on vide pour en emplir une autre, en faisant attention à n'en éclater aucune. Autre choix pour leurs camarades, le cliché, il est un repère facile, un prêt à paraître protecteur, une figure connue, largement diffusée : la "fille facile", la "racaille"...et on se sent coupable : quels autres chemins a-t-on inventés pour leur laisser le temps de guérir?

Zawadi en choisit un autre, dans "De toutes mes forces" elle tente médecine, obstinée et bûcheuse dans sa chambre du foyer. Dans « Ma vie de Courgette »  Alice fait trembler sa fourchette sur son assiette dès qu'il y a un conflit : un T.O.C pour ne pas éclater. Le fil conducteur est un poids sourd, celui du silence, de l'absence et de la réflexion qu'il faut éloigner, trop douloureuse, injuste.

Pour souffler avec eux, on écoute un message téléphonique, laisse voler un cerf volant et la force revient.

Chacun sait ce qui est bien ou mal, mais la douleur explose les limites. Les personnages restent filmés avec douceur et bienveillance, on ne les accable pas, ils ont un juge bien plus exigeant que nous : eux-mêmes. L'administration française les accompagne aussi, ses représentants font ce qu'ils peuvent, souvent le mieux. L'état n'a pas les moyens de faire du sur-mesure, les éducateurs gèrent avec humanité le décalage entre égalité des traitements et réalité des parcours. Courgette et Nassim n'en sont pas au même point, "Ma vie de Courgette" est le récit d'une enfance, "De toutes mes forces" une entrée dans l'âge adulte, comme une injonction.

On savait déjà que l'enfance avait les pouvoirs magiques de tout reconstruire. On est juste ému de voir qu'au vingt et unième siècle, en France, la production cinématographique ait encore envie de nous le dire.

Alors on pose le dvd sur sa table de chevet, on éteint la lumière et on se sent bien.

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