Rosemary's baby

Éteindre l'écran et rester habitée par quelque chose que l'on n'arrive pas à nommer.

C'est l'expérience que propose ce film de Roman Polanski, thriller d'épouvante sur la grossesse de Rosemary. Les personnages sont séduisants, les liquides inquiétants et le suspens efficace : trois bonnes raisons d'apprécier le film. En fait, c'est un peu comme être devant un livre d'illusions optiques 3D : après une intense concentration du regard sur les pages, on voit émerger des formes surprenantes. En vous concentrant sur le film, vous en verrez un second, tout aussi terrifiant, sur la vie d’un couple contaminée par l’arrivisme.

On comprend alors comment, au cinéma, le genre de l'horreur (qui est une forme d'exagération) rend supportable une réalité qui le serait beaucoup moins. Autrement dit, le film est un film d'horreur, mais l'horreur est au fond plus supportable que le propos du film.

Quelques fils conducteurs pour suivre le film...dans le film

Première séquence

Voyage poétique sur les toits et dans la vie d’un jeune couple, Guy Woodhouse, le mari de Rosemary, tente de définir son métier, malaise...il répond télévision, pièce de théâtre, cinéma, avec la gêne de ne pas être vraiment connu. Le thème du film est amorcé, le comportement du mari est désormais à observer sous cet angle.

Un espace pour chacun 

On a beaucoup parlé de l'importance de la maison, maléfique, mais il s'agit de faire davantage attention aux espaces. Rosemary évolue dans les espaces intérieurs et extérieurs du quotidien, c'est le personnage de la réalité, détaché de toute idée de gloire alors que son mari est montré dans des films publicitaires, une image, un leurre, le seul lieu qui compte pour lui : celui de la représentation. Les espaces qui l'intéressent sont uniquement ceux qui peuvent lui servir, l'appartement des Castevet, celui de son intimité avec Rosemary (d'où la maison) et celui de son ventre. La solitude de Rosemary est redoublée, le malaise aussi.

Le couple Minnie et Roman Castevet

Ou comment figurer la duplicité du bien et du mal, de la gentillesse et de l'étouffement, du rationnel et de l'irrationnel...et les limites d'une mise en pli (cf les coupes de cheveux incroyables de Minnie). Cet autre couple est la clef de l'énigme, l'ouverture vers l'autre film. Roman Castevet fascine le mari de Rosemary avec ses histoires de gloires et propose le deal diabolique. Leur casting est à la hauteur de leurs paradoxes, une autre bonne raison de regarder le film.

P.S : La femme et la maternité 

Le mari de Rosemary a "vendu" le corps de sa femme au diable pour réussir sa carrière, elle est d'abord terrifiée en voyant le bébé mais finit, "instinct maternel" oblige, par l'accepter. L'amour "maternel" permet la réussite du plan diabolique (donc d'accepter l'horreur). Le cliché a bon, ou plutôt, mauvais dos...

Le film a presque dépassé le réalisateur.

Rosemary, victime et plaisir de Cinéma.


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