Ferdinand

Une heure quarante six de dynamite scénaristique.

Ferdinand, taureau costaud malgré lui, grandit dans un élevage de taureaux pour corrida. Il faut être fort, rapide et bagarreur pour espérer sauver sa peau de la boucherie, mais c'est un autre monde pour Ferdinand, davantage attaché à sauver les fleurs de la sécheresse. Quand il apprend que son père est mort dans l'arène, il s'échappe loin de ses éleveurs, dans un monde de fleurs, de paix, adopté par une petite fille et son papa fleuriste. Rattrapé par son destin, il tente dans des aventures espagnolesques d'échapper de nouveau à la corrida.

L'animation a cela de magique, elle peut inventer un festival de personnages attachants, inattendus, référencés et très drôles. Le réalisateur Carlos Saldanha et les scénaristes ont listé toutes les situations dans lesquelles un taureau peut prêter à rire...et à pleurer...

Le film est fin, joyeux, ensoleillé et, pour deux séquences très courtes, apocalyptique. Impossible pour un adulte de ne pas penser aux cheminées des camps de concentration quand les plans sont sur l'abattoir (mais l'enfant n'a pas ces références, il sent juste que l'endroit est dangereux). 

Le monde de Ferdinand est pourtant heureux, chaleureux, au sens propre comme au figuré, mais le film a l'intelligence de poser les ambiguïtés et les questions qu'il faut pour être drôle tout en étant sérieux. Quid de la corrida, de l'exigence absurde DU taureau pour le torero, de l'utilité de la "bête"? Biensûr, le film n'insiste pas, c'est un film pour jeunes enfants, mais la finesse du scénario a l'exigence de chacun des enjeux, des thèmes.

Autre réussite du film, être intemporel et pourtant contemporain : le paradis reste l'amour, le soleil et la tolérance, mais on s'échappe sur une autoroute, poursuivis par des Segway dans un rythme effréné de cascades acrobatiques, et la viande, pardon, le taureau, n'oublie pas qu'il peut aussi être le fruit d'une manipulation génétique.

Ferdinand a agité le cerveau de trois scénaristes, Robert L.Braid, Tim Federle, Brad Copeland. Ils ne lâchent pas une miette de leur film, idées fines et drôles dans tous les plans, dans toutes les profondeurs de champ : quel cerveau pour imaginer que du maïs sur des clôtures électriques peut fournir du pop corn à un groupe de hérissons regardant un combat de danse entre pur sang et taureaux? Pur sang Lagerfieldien biensûr...et pas de souci si un taureau réanime par massage cardiaque un bébé lapin...!

On jubile dans l'écriture du film, la complexité de son propos et ses possibilités de nous faire croire que le monde peut être beau.

Entre précision des situations, exigence d'une bonne histoire et contemporanéité de son univers, Ferdinand donne envie d'accepter d'être adulte...

et de faire un câlin à un taureau...








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