Juste la fin du monde

Il fait chaud, un été de canicule, un repas de famille.

Louis, dramaturge, retourne chez lui après douze ans d'absence pour annoncer, ou plutôt tenter d'annoncer, sa mort prochaine. Il est malade.

C'est un être à part dans une fratrie, entre un frère rabat-joie, égoïste, nerveux, une petite sœur un peu junkie qui l'idolâtre et une maman très maquillée, aussi fardée que l'amour qu'elle porte à son fils. Attendu, il est très vite au centre du vide qu'il a laissé durant son absence.

Le film est un voyage intérieur, un road movie mental entrecoupé de souvenirs puissants, d'incarnations concrètes, d'une lumière, une poussière, une odeur du temps passé. 

Xavier Dolan, réalisateur, adapte la pièce de théâtre éponyme de Jean-Luc Lagarce. Son film en tire des qualités de dialogue indéniables mais le défaut de plans difficiles à trouver. Comment filmer la parole au cinéma quand les dialogues sont aussi précieux et qu'il faut n'en manquer aucun? La solution choisie est le gros plan, sa surenchère, surabondance. Alors il y a un trouble, comme un agacement de ne pas retrouver les plans poétiques, lumineux et très construits qu'il sait faire et en même temps le plaisir de ressentir sa fascination pour les acteurs, Marion Cotillard, Léa Seydoux, Nathalie Baye, Gaspard Ulliel et Vincent Cassel. Xavier Dolan est fasciné par leurs visages, leur métier, leur aura, et le film devient soudainement un plaisir de cinéaste aimant le cinéma, comme un fan qui n'aurait ni peur, ni honte, de crier en Image et en Son qu'il l'aime. La lumière et le cadrage convoquent Jane Campion, quelques envolées semblent Gus Van Santienne, Manoel de Oliveira ne renierait pas quelques séquences surréalistes et longs plans fixes, Sofia Coppola aimerait sûrement la bande son...

Autre point fort du film, un glissement furtif pour le spectateur de sa reconnaissance dans tous les personnages. Chacun semble  à son tour un peu bête, très égoïste, profondément en attente d'amour. On a quelques fois l'impression de basculer dans Vice Versa, le film d'animation, devenant une hydre à cinq têtes, emportée simultanément par chacun.

Des plans symboliques, des musiques pops et rêveuses, rien ne fait vraiment peur au réalisateur. Et quand il laisse la caméra faussement divaguer, choisir les cadrages et lumières avec une précision d'orfèvre, certaines séquences ont une grâce ensoleillée.

La canicule nous envahit, cette famille nous asphyxie tout en nous laissant un étrange goût, celui d'une présence, malgré tout, d'amour. On subit ce voyage douloureux que peuvent être des repas de famille, des réflexions anodines et des places qu'on nous y accorde, ou pas.

On attend le prochain Xavier Dolan, avec moins de gros plan...promis...mais toujours avec cette déclaration d'amour au Cinéma, celle qui fait penser que l'Art est aussi là pour ça, assumer son pouvoir d'émotion.
.


Commentaires