Arrêtez moi

Une femme battue pousse son mari du huitième étage. Elle laisse d'abord la police croire à un suicide, l'affaire est classée. Neuf ans après elle vient pourtant se dénoncer à la gendarmerie.

Un face à face nocturne tendu, fou et un peu "barré" entre Miou-Miou commissaire de police et Sophie Marceau, femme battue. Un film comme un ring.

Des tentatives de Cinéma surprenantes : les flash back du récit de Sophie Marceau sont en plans subjectifs (la caméra à la place de ses yeux). Dans le making off, on voit le dispositif, une sorte de casque posé sur la tête de Sophie Marceau pour filmer les séquences. Cela donne des images qui ne sont pas forcément convaincantes mais qui ont le mérite de poser un parti pris, de l'essayer jusqu'au bout. Le réalisateur Jean-Paul Lilienfeld (qui avait réalisé "La journée de la jupe"), le défend comme une tentative de mettre le spectateur à la place de la femme battue. Cela ne fonctionne pas vraiment mais montre que l'empathie n'est pas forcément une question de point de vue subjectif, une réflexion de Cinéma intéressante..."Qu'est-ce qui fait que je me sens à la place d'un personnage?". 

Ce parti pris permet aussi au spectateur de se repérer dans la structure en deux parties du film. La première, nocturne, presque expressionniste, se passe au commissariat entre la femme qui veut porter plainte et celle qui refuse de prendre sa plainte (après tout, se débarrasser d'un homme violent sans se faire prendre est juste "un crime parfait", dixit Miou Miou), la seconde, avec laquelle elle alterne, se passe le jour, ce sont les flash back de la vie du personnage joué par Sophie Marceau. L'atmosphère nocturne est tellement étouffante qu'on attend presque les moments de violence diurnes pour souffler...paradoxal.

Autre point de vue affirmé par le réalisateur : ne pas donner de nom précis au personnage de Sophie Marceau pour en faire une sorte d’emblème de toutes les femmes violentées. Il explique aussi qu'il a choisi l'actrice pour son potentiel à "représenter" toutes les femmes. Là encore, cela fonctionne sur le papier, dans le concept, mais ne permet pas à Sophie Marceau d'incarner pleinement son personnage, on est quelques fois perdus entre le personnage et l'actrice.

Malgré cela, le film nous séduit ; pourquoi cette femme s'entête-t-elle à ce point à vouloir se dénoncer, faire de la prison, être reconnue pour le meurtre de son mari violent. On bascule très facilement du côté de la commissaire qui refuse de prendre sa plainte, même si son personnage est culotté, débordé, border line. La dernière séquence du film vient tout éclairer. Le point de vue devient alors brillant, fin. La victime cesse de l'être et le film a le mérite de bousculer les évidences, de faire entrer au cinéma la parole unique et fragile de la victime, son parcours personnel, le poids de sa propre existence et de son choix.

Adapté du livre de Jean Teulé, "Les lois de la gravité", le film est fidèle à son univers. Il est drôle et monstrueux, humain et cruel...altruiste aussi.

Un film à apprécier comme un essai de Cinéma, une réflexion sur les cercles de la violence et la volonté de les briser.

Un voyage nocturne sur le fil.

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