Histoire d'un secret

C'est un film documentaire.

La réalisatrice aurait pu dire : "Ma mère a 28 ans en 1968, elle est peintre. A la veille d'une grande exposition, elle décède d'une appendicite. Un an après, on a arrêté de nous le cacher".

Mariana Otero est la fille de Clotilde Vautier (l'artiste dont il est question), son film est une enquête.

Qu'est-ce qu'être Femme en 1968, qu'est-ce qu'être artiste, élever des enfants? 

Qu'est-ce qu'un secret de famille? Une absence de parole, un trou autour duquel tout semble tourner.

La force et la faiblesse du travail de la réalisatrice tiennent en un paradoxe : comment construire un documentaire pour raconter un secret alors qu'il n'en est plus un pour elle. Comment ne pas créer chez le spectateur l'attente de la révélation du secret, tout en sachant qu'il est l'axe principal du film? Pari réussi.

La réalisatrice retrouve les lieux de son enfance, l'appartement atelier de ses parents, ses anciens modèles, la maison de campagne dans laquelle sont encore des toiles, sa sœur avec qui elle échange sur cette absence. Elle porte le secret à son juste niveau, ce n'est pas la révélation qui est terrible, c'est l'injustice qu'il y a autour, le politique, le social, le familial, le tragique qui date d'une autre époque, pas si lointaine puisque de nombreux orphelins le subisse encore.

On est touchés par la force de projection d'une enfant qui veut découvrir la vérité et tout revivre, les lieux, les actes, les paroles, et qui s'efforce de rester à sa place d'adulte, de réalisatrice. On reconnaît chez les témoins le malaise d'une parole trop émue, les tremblements d'une voix qui raconte la culpabilité, les prises de respiration juste avant le récit de l'histoire telle qu'elle s'est passée. Tout essayer pour faire revivre encore, un peu, quelqu'un qui n'est plus là. La tentative est vaine, rien ne fera revenir Clotilde Vautier mais le film en aura épuisé les tentatives. Le courage de la réalisatrice est certainement ce qui est le plus touchant, fort, parce qu'elle l'est aussi ; pas de pleurs, pas d'apitoiement, juste une recherche artistique sincère, comme un miroir qui permet peut-être aussi de se re-connaître.

Le film étourdit de richesses sociologiques, sensibles et familiales.

Il n'y a pas d'unité à chercher, juste deux parcours, celui d'une femme de 28 ans en 1968 et de sa fille, ses tentatives pour comprendre un secret, une peinture.


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