L'amour est un crime parfait

Adapté du roman de Philippe Djian "Incidences", le film en porte l'univers, sulfureux et érotique.

Professeur de Littérature à l'université de Lausanne, Marc vit avec sa sœur dans un grand chalet à la montagne, il enchaîne les conquêtes de ses étudiantes et perd la mémoire dans son sommeil. Une d'elles a disparu...l'enquête, prétexte du film, fait découvrir une galerie de personnages étranges, décalés, quelque part surfaits, dans une autre définition du cinéma.

Le film sonne faux, mais un faux avec lequel on peut entrer en connivence. Les Frères Larrieu semblent s'amuser à faire du cinéma comme ils s'amusent à jouer de leur personnage. L'intrigue y est tenue, quelques moments sont vénéneux. Le casting semble pourtant un peu maladroit, comme si les personnages ne s'étaient pas concertés entre eux. Si l'on apprécie Mathieu Amalric, Karin Viard, Maïwenn ou Sara Forestier, on a ce que l'on aime chez chacun, mais sans qu'ils arrivent à une cohérence d'ensemble

L'atout du film, qui lui permet de dépasser ses défauts, est le décor : la montagne, et surtout, l'incroyable architecture de l'université, en réalité le centre multimédia de l'Ecole Polytechnique de Lausanne.

Comme une boursouflure blanche sortie de terre, l'université apparaît telle une fenêtre en permanence ouverte sur le ciel, l'horizon. Ce refus de cloisonner l'espace, ces sols qui refusent d'être droits, donnent la sensation d'un monde instable ou enchanté, une sensation très étrange qui correspond parfaitement à l'histoire, à ses personnages invraisemblables, caricatures d'eux-mêmes. Il faut voir le film pour cette architecture. Peut-être aussi parce qu'elle renouvelle les propositions de déplacements dans l'espace, la perception de ceux-ci: comment peut-on construire un sol qui n'est pas droit? Comment ce nouveau possible pourrait révolutionner notre manière de vivre nos habitats? Déambuler dans cette architecture est un défi à notre perception du monde. Savoir que l'on a donné à un architecte la possibilité d'aller jusqu'au bout de sa réflexion, de sa construction, donne finalement beaucoup d'espoir quant à notre capacité à voir le monde autrement.

Aussi, lorsque Marc essaie de provoquer chez ses étudiants un début d'écriture, l'architecture devient  un écho des possibles de la création littéraire, un vertige.

Le film est séduisant, trouble, mais peut-être pas là où il pensait l'être.


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