La caméra de Claire

Une heure et huit minutes de déambulation cinématographique ensoleillée dans un petit village du sud de la France,  à côté du festival de Cannes.

Il fait beau, il y a la mer, le jaune des murs et celui plus acide du manteau d'Isabelle Huppert, petite fée du film.

Hong Sang-soo, réalisateur coréen aurait tourné le film en six jours lors du festival de Cannes, profitant de la présence des deux actrices principales, Isabelle Huppert et Kim Min-hee.

Six jours pour réaliser un film, c'est normalement le temps qu'il faut pour en réaliser cinq minutes. Alors "La caméra de Claire" a ce goût d'exercice improvisé qui ne laisse pas indifférent mais qui peut sembler maladroit.

L'histoire est celle d'une productrice de cinéma descendue présenter le film d'un réalisateur à Cannes. Elle licencie sa collègue Manhee, vendeuse de films, sans vraiment lui dire pourquoi (ha...le charme des discussions rohmériennes qui disent sans dévoiler, tout en racontant un peu, sans tout dire...). Licenciée, elle déambule alors dans la ville en attendant que le festival se termine pour pouvoir rentrer. La productrice, amoureuse du réalisateur (Wan Soo), s'est en fait séparée de sa collègue parce qu'un soir d'ivresse il a eu une relation avec elle. Isabelle Huppert, enseignante, photographe et poète, va entrer dans la vie des personnages comme une fée philosophe. Elle discute avec eux, les prend en photographie comme on prendrait des instantanés de pensées tout en les faisant accoucher d'eux-mêmes.

On évolue donc dans un cinéma très rohmérien, avec ses longs moments de discussion et de déambulation pour revivre et interroger les moments clés du film mais aussi avec un réalisateur en train de travailler son Cinéma. Dans sa grammaire cinématographique, de nombreux plans zoomés et dézoomés, très lentement, pour lesquels on est obligé de redéfinir, finalement, l'utilité des raccords. La caméra est caressante, lente et à la fois déterminée. Si le réalisateur ne fait pas de raccord dans l'axe entre un plan rapproché épaule et un plan moyen mais préfère un dézoom, c'est à priori maladroit, sauf si l'on convient que c'est peut-être notre regard qui a pris de mauvaises habitudes. Après tout, ces lents zooms ou dézooms affirment la présence du réalisateur, l'importance à la fois des personnages mais aussi de l'espace qui les entoure, un peu comme les peintres impressionnistes représentaient en même temps un sujet et l'espace "vivant" autour.

Histoire doucement magique, mélancolique, avec un énorme chien comme maître du temps. Un cours de cinéma aussi, à la fois sur le temps et le cadre. 

Un film comme une parenthèse coréenne et française, un mélange doux et étrange qui montre que le cinéma est à la fois le territoire d'un réalisateur et un pays sans frontières.

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