Les noces rouges

Un parfum de France des années 70, un Hitchcock qui refuserait d'aimer ses personnages.

Pourtant, Stéphane Audran et Michel Piccoli forment un couple d'amants séduisants.

Elle, est la femme d'un député, Paul Delamare (Claude Piéplu). Dans les dialogues ciselés du couple, pas une réplique qui ne distille son venin : il l'a sauvée lorsqu'elle était jeune mère, désormais, il veut qu'elle l'attende quand il rentre, sache ce qu'il y a à manger et qu'elle le remercie chaleureusement de payer les études de sa fille. Le tout comme une évidence, sans aucune agressivité ou violence.

Lui, est un homme politique en devenir, assez soumis à son député, mais surtout amant de sa femme.  La sienne est lourdement dépressive, réfractaire à tout contact physique. Les moments de retrouvailles des amants n'en sont que plus fougueux, dans les bois ou dans un château de la région, après les heures de fermeture.

Une fable doucement érotique qui joue avec les moeurs de l'époque, portée par une lumière reconnaissable et un peu nostalgique, celle des années 70. Une bande son qui cherche l'efficacité plus que la subtilité : là où Hitchcock la sadise pour tromper le spectateur, Chabrol s'en sert pour guider les émotions... puis travelling, gros plan, zoom, le regard de Chabrol est partout, il nous manipule autant que ses personnages et c'est un plaisir de se laisser guider.

Les papiers peints sont fleuris, les objets précieux, la demeure est belle mais le gravillon craque sous les pieds de l'amante... dans la vie de Province (mais n'est-elle que de Province?), la vie est un peu vide et monotone, la politique un sel bien immoral et ennuyeux.

Comme un roman de Gustave Flaubert réécrit par Emile Zola, le film est un plaisir d'observation des mœurs, un miroir tout juste déformant et un peu cruel...dès qu'il y a du pouvoir quelque part, l'humanité est en question. Chaque personnage est défendable mais pourtant impardonnable. Chaque dialogue est un enjeu de pouvoir, le réalisateur a le sens du détail, le regard d'un entomologiste sur les rapports humains.

Un film comme une promenade au musée de l'Homme. Devant les vitrines des insectes ou des araignées les plus dangereuses on se fait peur...sans se rendre compte que par le jeu des reflets, l'espace d'un instant, on fait partie de la collection.

Commentaires