Grâce à Dieu

L'art de jouer des limites entre fiction et documentaire.

François Ozon, le réalisateur, raconte l'histoire d'un prêtre pédophile, le père Preynat, du cardinal qui l'a couvert et de l'Eglise qui n'a pas vraiment souhaité ouvrir les yeux sur les faits.

Troublant, parce que les échanges mails qui accompagnent tout le film doivent être réellement ceux échangés entre les vrais protagonistes de l'affaire. Pourtant, on suit bien des acteurs dans leur rôle, tous précis, justes, fins et sans clichés. Troublant parce que tous les faits sont réels, les noms, "la parole libérée", l'association créée par les victimes et que l'on retrouve sur internet juste après le film, en ne sachant plus finalement si elle est encore dans le film ou notre réalité.

Troublant, parce que le père Preynat assume sa pédophilie. Il en souffre, sait que c'est une maladie, a prévenu l'église mais n'est pourtant pas écarté du contact des enfants.

La pédophilie, une maladie, et c'est tout le propos du réalisateur, ne pas accabler le prêtre mais interroger un système qui a fait du silence le complice de ses actes.

Le film est solaire et la lumière qui d'habitude accompagne la foi, l'espoir, joue un rôle très ambiguë. Le film n'est pas sombre ou dur, il englobe tous les personnages de lumière et c'est au spectateur de chercher l'ombre. 

Les personnages adultes, anciennes victimes, interrogent à chaque fois ce qu'il reste, l'empreinte toujours forte que laissent sur les adultes les violences sexuelles, mais rien n'est manichéen dans le film, ou évident. 

Aussi, on cherche le réalisateur qui s'est peut-être oublié dans toutes les précautions qu'il a dû prendre pour ne pas que son film soit interdit. On suit les protagonistes, écoutant les faits mais ne les voyant jamais. Mesurant comment chaque vie d'adulte devient alors une reconstruction permanente.

"Grâce à Dieu, les faits sont prescrits", terrible phrase du cardinal Barbarin lors de son procès.

Le cinéma se fait témoin d'une société qui s'empare de la parole. François Ozon n'a peut-être pas compris ce qu'est la Foi, mais il a compris la force de la parole et du groupe, l'énergie du mot "ensemble". 

On prend.






Commentaires