L'enlèvement de Michel Houellebecq

Un film jubilatoire et drôlissime, la rencontre entre un cinéaste qui se pose des questions de cinéma et un écrivain qui ne se pose pas des questions d'écriture.

Un régal pour les amateurs de Houellebecq qui ne prend rien au sérieux, ni son physique, ni son statut, ni sa reconnaissance, mais c'est pourtant bien grâce à elle qu'il devient un élément de cinéma, un spécimen filmique, un régal de comédie.

Il est physiquement faible, absolument abîmé, et ce que le réalisateur Guillaume Nicloux filme est le paradoxe d'un talent dans un corps humain, l'incarnation d'un échec, du désespoir et du talent créatif. Il n'est jamais vraiment question de littérature dans le film et Nicloux sacrifie sur l'autel du Cinéma ses prétentions d'Image et de Son, le repense. 

Quand l'Image et le Son lassent, que les règles scénaristiques s’essoufflent, que reste-t-il à filmer? La rencontre, l'échange, et une Image, une seule, celle de Houellebecq puisqu'il en est une, une icône. Le film est donc complètement cinématographique sans rien utiliser des méthodes du cinéma : tour de force du réalisateur.

Le film n'est pas sérieux, mais il résonne de cinéma.

Le réalisateur s'est essayé aux classiques avec des films en costume comme la Religieuse, une adaptation d'un roman de Diderot, mais il s'est probablement lassé de faire du cinéma juste pour raconter alors il tente une aventure avec le kidnapping de Michel Houellebecq.

Le réalisateur en fait une marionnette de cinéma très consentante et très loin du Houellebecq absorbé dans sa création,  le film en fait un corps, fumant, buvant, tentant de faire du sport...

Il faut aussi savourer les personnages des kidnappeurs : un gitan, un professeur de boxe et un fils à papa, le tout hébergé chez les parents du dernier, Dédé et Ginette, on ne peut plus calmes de savoir séquestré chez eux un écrivain. 

Le temps du rapt devient un temps d'échange, de partage, de discussions absurdes et évidentes, de repas très arrosés et de conseils sportifs, d'exercice de boxe, de self défense..."Barton Fink sors de ce film...!".

Houellebecq devient très au fait des sports de combat grâce à son ravisseur coach, hésite finalement entre faire du free fighting et du body building pour entretenir sa santé...la phrase est glissée en fin de plan, presque inaudible, irrésistible...le film est une promesse de rire pour un spectateur attentif et c'est un régal.

On aura tout fait à Houellebecq, Guillaume Nicloux l'accueille dans son cinéma comme un miroir des possibles, l'incarnation de la démystification du savoir, de la culture, mais avec un immense respect pour elle, pour l'Humain et pour son spectateur.

1h32 de plongée intelligente et Drôle.

Un film qui fait du bien au cinéma.


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