Mr Gaga, sur les pas d'Ohad Naharin

Un documentaire de Tomer Heymann réalisé en 2015 sur le danseur Ohad Naharin, ou, comment entrer dans le monde fascinant d'un homme qui décide  de devenir danseur à plus de vingt ans.

Le documentariste réalise un film exceptionnel qui emporte bien au-delà des biopics, dans un invisible qu'il a compris, celui de l'inexplicable appel de l'art qui fait qu'un jour, un pinceau dans la main, un instrument, une feuille ou un corps appellent à créer.

Quel personnage, quelle vie, non pas exceptionnelle, à vrai dire, le film est assez peu dans l'ego du danseur, mais les choix de montage, les séquences filmées, à la fois celles de danse ou celles intimes du chorégraphe forment un souffle, celui d'une vie.

On perçoit bien l'autorité du danseur, son jusqu'au boutisme, son exigence, mais surtout le fait qu'il soit emporté par un invisible, un incompréhensible mouvement de chute, du corps. Souvent dans les extraits des ballets apparaît une danseuse en robe du soir bleue nuit...et pendant tout le spectacle elle avance sur un tapis de course, court sur place, sans s'arrêter, quels que soient les mouvements du ballet, comme un irascible mouvement de vie. Il y a dans ce personnage, la métaphore de la pulsion du chorégraphe, toujours, quoi qu'il arrive, être là, juste, beau et en mouvement.

Il est israélien et son lien avec ce pays est très fort, presque comme une évidence de reconnaissance, et c'est toute la conviction qu'il a transmise à ses danseurs qui lui permet de bouleverser la censure dans son pays.

Il est grand, beau, typé très américain, héros de série des années 80, et sa vie est au service du corps, de la danse, jusque dans son histoire bouleversante avec sa première épouse, une danseuse.

Le film est incroyablement pudique, fort, il donne tout du chorégraphe et pourtant reste entier dans le mystère de ce corps qui, un jour, a décidé de se mettre en mouvement pour lui et pour les autres.

Il est à l'initiative d'un mouvement de danse "Gaga" qui est une sorte d'appel pour chaque corps à danser et la finalité est assez juste, résonne avec nos corps qui pourtant maladroits, non professionnels, ont aussi envie d'explorer leurs émotions, expressions, équilibres et déséquilibres.

Le film est un miracle de rencontre entre le danseur et sa vie, mis en scène par un réalisateur inventif, impudique et pourtant infiniment respectueux de son sujet.

Un film qui ne vous expliquera absolument pas ce qu'est créer ou ce qui motive la création, mais  qui montre en puissance comment la vie et l'art mêlés sont à la fois source d'énergie vitale, de souffrance, d'absolu et aboutissent, in fine, à un homme qui s'amuse à se casser la figure dans un escalier, comme un enfant de trois ans jubilant de nous voir s'inquiéter, s'amusant à être un chenapan de plus de soixante ans.

Les séquences de danse sont aussi exemplaires, justes, puissantes et brillamment montées, comme en écho à nos émotions et à celles du chorégraphe.

Un film qui transpire le corps, l'Art et le souffle de vie.

Bravo.

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