Polanski et mon père

Dans ce court métrage documentaire, Pauline Horovitz réalise le portrait de son père, médecin, tout en réalisant le sien en creux, en voix off et derrière la caméra.

Elle s'interroge à voix haute sur son avenir dans le cinéma et son interrogation fait sens dans le regard qu'elle porte sur son père.

Elle le filme chez lui, au travail, le met en scène sans que jamais il ne remette en question ses choix, elle filme un père comme on lui écrirait une lettre d'amour, il se laisse filmer comme on donne à son enfant sa confiance, malgré son incompréhension.

Que de questions dans ce film de moins de huit minutes, et que de clichés mis à nu. Il n'y a qu'à voir l'appartement du docteur pour comprendre, à travers son mode de vie, ses objets entassés, son papier peint sur les murs et ses astuces pour gagner du temps, que la précarité n'est pas forcément où l'on croit, que vie privée et professionnelle peuvent parfois se construire indifféremment l'une de l'autre, que de la réussite de l'une ne dépend pas l'autre.

Pauline s'engage dans une vie incertaine de cinéaste, son père a un métier on ne peut plus stable, pourtant, il serait bien difficile de savoir laquelle désirer.

Le film pose deux questions intimo-cinématographiques : "Comment laisser son enfant nous filmer? Comment filmer son parent?". La réponse est un portrait empli d'amour et d'attention, sans que jamais il n'en soit question.

Il est aussi incongru et drôle : la réalisatrice est taquine, se moque gentiment de ce père, de ses habitudes, et laisse les objets nous en dire autant que les paroles, faire mémoire autrement qu'avec les mots ou les visages.

Il est rare dans un film d'arriver à cerner le visage d'un père et la réalisatrice réussit ce portrait : il est on ne peut plus présent, très conscient d'être "l'objet" cinématographique de sa fille tout en ne comprenant absolument pas ce qui se joue dans le film, mais "elle veut, je l'aime, je le fais".

Le cinéma est au cœur de leur dialogue : qu'est-ce qui fait cinéma? Comment comprendre qu'un père accepte de se laisser filmer parce qu'un jour, un réalisateur célèbre (Roman Polanski) a reconnu le travail de sa fille. Le cinéma est l'interrogation du père envers la fille, mais Pauline réinterroge son pouvoir de reconnaissance.

Le film est comme un préquel et donne très envie de voir la suite : le documentaire "Papa s'en va" sorti en 2020.

En attendant, le court métrage est visible sur le lien suivant : 


Et s'il vous prend l'envie d'acheter un peignoir jaune, le film peut être de bons conseils.






Commentaires