Les triplettes de Belleville

Peu ou pas de paroles dans ce film d'animation francophone d'1h20, et pas le temps de s'ennuyer tant il s'agit de plonger dans un univers particulier, tout en camaïeu de marrons, légèrement rétro mais infiniment universel et cinématographique.

Un scénario au service du Cinéma, c'est à dire de l'image et du son. Dans cette volonté farouche de ne pas poser de dialogues, l'envie certainement de laisser au cinéma tout sa place : vous aurez des images, des sons, du montage et de la mise en scène, mais rien de ce qui pourrait vous appeler ailleurs : les dialogues. Alors il faut faire confiance aux couleurs, aux idées de scénario (la séance des massages), aux raccords plastiques (ou comment transformer une tête en hamburger), et se laisser emporter par l'univers sonore, chantant, lui aussi très travaillé.

S'ouvre alors une histoire qui sent la naphtaline (là où certains aiment les odeurs de colle, moi, j'aime aussi la naphtaline), le drap de coton épais et la télévision, cet objet à la fois révolutionnaire et désuet.  Une histoire délicieusement intemporelle, tant l'amour entre les deux personnages, une grand-mère et son petit-fils est à la fois attendue, et pourtant cocasse, surprenante.

Les trognes des personnages sont à l'histoire ce que l'histoire est à la réalité, improbables, inquiétantes et touchantes. Une grand-mère élève son petit-fils et voit son avenir dans le cyclisme, elle le prépare à participer au tour de France et les méchants apparaissent alors (l'idée simple, mais géniale, est de leur avoir donné une carrure de cercueils), la panoplie du voyage aux Etat-Unis se déroule ensuite, et c'est parti pour le dépaysement, le pouvoir de la musique et l'amour des grenouilles.

Un film d'animation qui fait penser, tant au niveau du graphisme que de l'univers, aux "Aristochats" de Disney, le mystère en plus : la personnalité du réalisateur qui dédie le film à ses parents. Il y a quelque chose de profondément observé dans ce film, de très saisi et inventif, l'envie aussi de jouer avec notre imagination : quels points communs entre un aspirateur, un journal et une grille de frigidaire? Sylvain Chomet (le réalisateur) ne lâche pas ses références, son exigence des personnages : vous ne pouvez pas aller ailleurs, et ce monde qui vous accueille est le sien, celui qui sans mot dire nous offre de l'affection. A prendre et à savourer. 

Les triplettes de Belleville sont une ode aux vieux, à ceux qui les regardent et les aiment, à la musique et à une certaine vision de la France, celle qui regarde le Tour de France avec autant d'intérêt que d'incompréhension : mais qu'est-ce qui fait courir le monde?



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