Toni Erdmann

Ou, comment faire un film fort et inattendu.

La balade dans le monde de Maren Ade, la réalisatrice et scénariste du film, est réjouissante d'inventivité, de discrétion et d'émotion.

Le film dure plus de 2h30, son début est homéopathique, entre Loach et Leigh, mais en filigrane, la pensée poétique de la réalisatrice nous guide dans des feux d'artifice observateurs et sensibles pour terminer par un bouquet final non seulement inattendu (on reste collé à son siège dans un état d'excitation jubilatoire), mais également apaisé, in-croyable et bouleversant. 

Inès, working girl, business women, doit négocier une reconversion d'entreprise avec à la clef un certain nombre de licenciements, son père, professeur d'Education musicale tout juste en retraite, vient de perdre son chien, le compagnon de toute une vie.

La vie qui tient sur le fil pour la première, dans un monde de l'entreprise finement décrit, juste cynique et artificiel, la vie qui ne tient que sur un autre pour le second, son amour pour sa fille, la conscience du temps passé et perdu comme richesse insoupçonnée.

Forcément, le père vient bouleverser la fille, mais, ni l'un ni l'autre ne sont attendus ou caricaturaux. On ne comprend pas tout, ne saisit pas toute la richesse, la profondeur et la perplexité dans laquelle nous plongent quelques fois leurs comportements mais on les suit avec attention et attachement. 

Un film comme une pochette surprise : des trouvailles de scénario saisissantes, des dentiers, des costumes, des cupcake étranges ou du Whitney Houston... et, encore et surtout, deux acteurs tellement amoureux de leur personnage que paradoxalement, rien de ce qu'ils font nous paraît fou, alors que tout l'est un peu, beaucoup.

La réalisatrice aime ses personnages, les spectateurs, et réalise un film profondément humain.

La performance de Sandra Hüller n'est pas sans rappeler celle de Virginie Efira dans "Sibyl" de Justine Triet, un rare moment  de fusion entre une comédienne et sa réalisatrice.

Il n'y a pas de prouesse d'images et de sons mais une telle richesse de scénario, un montage précis et une grande maîtrise du temps des plans pour que longtemps, ce père et cette fille résonnent en nous. 

Lentement alors reviennent cette petite voix, ces idées farfelues qui nous traversent quelques fois, ces choses que l'on ne fait pas alors que l'on sait que ce sont elles qui nous feraient du bien.

Une comédie psychanalytique à conserver à côté de soi, dvd sur la table de nuit comme un livre de chevet. 

A consulter régulièrement.




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