Ernest et Célestine

Ce film d'animation réalisé en 2012 reprend les personnages des livres jeunesse, l'ours Ernest et la souris Célestine.

D'abord peu fan des livres...j'avoue trouver les histoires un peu tristes et les décors un peu ternes, Benjamin Renner, Vincent Patar et Stéphane Aubier réussissent pourtant un film d'animation enjoué, intelligent, sensible et référencé.

Daniel Pennac est au scénario, et c'est une histoire maline qui démarre.

Célestine est une souris rebelle, elle aime bien les ours...et dans son orphelinat, chaque soir, la vieille surveillante leur raconte des histoires terrifiantes...d'ours...

Dès la première séquence, les hommages au cinéma pointent le bout de leurs images...Nosfératu et ses ombres déformantes font de la vieille surveillante la plus terrible des monstres. Les espaces sont au diapason des ambiances tout en respectant le graphisme d'origine mais en y mêlant une malice d'attention. Pas le temps de s'ennuyer, l'histoire prend rapidement nos deux personnages et chacun d'eux se révèle à l'autre avec surprise, attendrissement, drôlerie et provocation.

Benjamin Renner est un animateur piquant. Que ce soit avec son court métrage "La queue de la souris", ou "Le grand méchant renard", il ne prend jamais les enfants pour un public facile, acquis, ni les parents pour des accompagnateurs passifs. 

Chacun prend dans cette histoire ce qui résonne, touche, les câlins de la souris dans les bras du gros ours, les marchands de bonbons qui refusent que leur enfant mange des sucreries, les peintures magiques et l'envie, plus forte que tout, de créer.

L'ours ne sera pas méchant, la souris ne sera pas craintive, mais si, un peu quand même, juste pour jouer à se faire peur.

C'est également un régal de cinéphilie ...Norman Mac Laren et ses animations musicales abstraites donnent au film une poésie et une profondeur à suspendre le temps, Murnau joue à nous faire peur, Vittorio de Sica et son "Sciuscia" nous touchent, l'esprit de "Ratatouille" n'est pas très loin non plus...

Chacun à son niveau garde un peu du film et traverse, 1h16 durant, les univers de la peur de l'Autre, du différent, de la similitude des organisations urbaines et sociales. Quel plaisir de se laisser glisser dans les égouts, les mystères de la vie du dessous et regarder les souris se blottir au coin du lit. Joli paradoxe de mener le regard du spectateur à la fois dans ce qu'il connaît, la souris mignonne qui peuple les films d'animation depuis les débuts du cinéma, et une histoire abracadabrantesque de dents, finement vue, où la souris devient effrontée.

Il est des temps où le plaisir de retrouver les cadeaux du cinéma est encore plus réjouissant... on regoûte au plaisir de l'écran comme quand, petit, blotti au fond du siège, on le regardait comme le plus grand des mondes possibles.

Alors, merci.

Et pour ceux qui se demandent fréquemment ce que pouvait bien faire la petite Souris avec nos dents, l'énigme est résolue...mais elle fait un peu peur...



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