Le cabinet du docteur Caligari

Il est des films qui avec le temps passent de "classiques" à expérimentaux.

Réalisé en 1920, ce film expressionniste de Robert Wiene, emblématique du genre, se regarde non pas comme on attend d'une histoire qu'elle vous fasse entrer dans la psychologie des personnages ou même vivre une série d'actions ou encore un récit passionnant. Non, il faut regarder ce film comme on regarde un feu d'artifice de décors, le regard émerveillé.

Le film reprend les caractéristiques artistiques du mouvement expressionniste de l'époque, d'abord plastiques, les lumières tranchées, les lignes et perspectives brisées, les espaces déformés, tout comme les corps, outrés ou rigides, puis les caractéristiques cinématographiques, le thème du double, du pouvoir de l'inconscient, les jeux d'acteur exalté ou empêché, les regards soulignés, cernés de noir comme abîmés par l'expérience douloureuse de la vie...

Et bien que l'histoire s'articule de manière très artificielle autour d'un forain qui a pour attraction un somnambule tueur, l'intrigue devient vite secondaire au profit d'un je ne sais quoi fascinant qui propose au spectateur, presque comme dans une foire, d'assister à des tableaux différents, à l'attente d'un nouveau décor, d'une nouvelle exploration de l'espace expressionniste...chaque élément du décor est pensé, inscrit dans un rêve étrange : la forme des tables, l'invraisemblance des tabourets, les corps torturés de devoir subir ces espaces tout en s'y accommodant comme dans les contes de fées.  Et cela est suffisant pour demeurer, presque ébahi, pendant les 1h10 du film.

On s'interroge ensuite sur la force de cette époque à voir comme une évidence le fait d'emprunter aux Arts Plastiques ses aventures pour les réutiliser dans les films, les explorer. 

En 2020, peu de réalisateurs s'aventurent à explorer les voies de l'art contemporain, peut-être Ruben Ostlund ou Alain Cavalier, et c'est une force de comprendre la richesse qu'ils ont à s'apporter mutuellement.

Un film comme une visite d'exposition, un rêve éveillé, une piqûre d'émulation pour expérimenter les forces de la création plastico-cinématographique.



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