La peintre et le voleur

Un film documentaire d'une heure quarante deux mais dont les circonvolutions cinématographiques rendent le temps juste, celui d'apprécier sa délicatesse.

L'histoire est celle assez incroyable d'une peintre, Barbora Kysilkova, qui expose ses toiles dans une galerie Norvégienne. Deux voleurs s'emparent de deux de ses toiles, les caméras de surveillance permettent rapidement leur arrestation. Au tribunal, la peintre va voir un des deux voleurs et plus rien n'apparaît comme logique, tracé, tout se transforme en palette de ressentis, en humanité qui se trouve.

Nul histoire d'amour entre eux, mais une incroyable histoire d'amitié. Et c'est toute la difficulté de chroniquer le film car tout se passe comme on le devine, elle se prend d'amitié pour lui, lui est presque divinement touché par elle, mais ce qui reste insondable ce sont les motivations profondes de cette amitié, l'impact qu'elle a sur leurs vies respectives, celle d'une artiste, et celle d'un être humain cabossé.

Les images ne relèvent d'aucune prouesse technologique, mais le réalisateur a la prouesse, par le biais du montage en circonvolutions, de dessiner les parcours entremêlés de ces deux êtres emportés dans leur indicible; la souffrance de l'Enfance pour l'un et l'abyme de la Création pour la seconde. Vous n'en saurez pas plus que ce que vous savez déjà sur les enfances malheureuses qui fragilisent les êtres, les souffrances et la vie rude des artistes, mais vous partagerez l'espace de deux heures, le sentiment profond de les comprendre, de les écouter, tout en mesurant à quel point nous sommes parfois guidés par des éléments qui nous dépassent.

On n'explique pas d'où vient le désir de création, on sait comment, on sait dans quels buts, mais on ne sait pas d'où cela vient, et d'une certaine manière, toute enfance fragilisée ne donne pas des adultes aussi fragiles que Karl-Bertil. In fine il ne s'explique pas son comportement destructeur mais donne un propos construit, sensible sur ce qu'il EST.

C'est un film sur l'ETRE...Qu'est-ce qui fait que nous sommes autre chose qu'une ligne tracée entre un point A et un point B, que des images nous dépassent, des actions nous emportent...

Lorsque Karl-Bertil découvre son portrait peint par Barbora (on est au tout début du film), il est filmé en pleine transfiguration. Je ne me souviens pas qu'un film ait déjà réussi à saisir cela. Le réalisateur semble lui-même ne pas comprendre cet instant filmé, étourdissant et infiniment profond pour qui le comprend. C'est là une des réponses, peut-être, à la force que les images ont encore de nos jours.

Qu'y a-t-il à l'œuvre dans une peinture, dans sa rencontre avec un spectateur...un insondable mystère que ce film ne réussit pas à expliquer mais qu'il capte. 

Incroyable.

Disponible sur Arte tv jusqu'au 27 avril 2021







Commentaires