Partir un jour

Lauréat du César 2023 du court métrage, "Partir un jour" d'Amélie Bonnin est un de ces films qui donnent foi aux rêves impossibles de cinéma. 

- Des chansons clichés vous aurez.

- Des acteurs inattendus vous regarderez (Juliette Armanet, Bastien Bouillon, François Rolin, Lorella Cravotta).

- Des vêtements has been vous savourerez.

- Des décors "Comme à la maison" vous contemplerez.

Et pourtant, loin vous voyagerez, tout proche la poésie vous vous sentirez, pas loin la larme à l'œil vous ressentirez.

Quel duo de scénaristes (Dimitri Lucas et Amélie Bonnin), quel œil de réalisatrice. On entre dans un décor banal de rue, puis celui d'un arrêt de bus et doucement, l'incongru apparaît...partir un jour, sans retour, effacer, notre amour, sans se retourner, ne pas regretter, garder les instants qu'on a volés...

Un parfum d'Eddy Bellegueule, un écrivain de retour chez lui, en Province, mélangé à un goût d'Annie Ernaux. Le film a la délicatesse d'un faux "filmer vrai", avec des cadrages déstabilisants, des lumières "trop" ou "pas assez", des saturations de couleurs (rouge) signaux, comme pour dire que même les supermarchés ont le droit d'être beaux, et, plantée en magasinière, coupe mulet et ventre proéminent, Juliette Armanet, finalement tout aussi disco. 

Et si filmer c'était s'en foutre, du bon goût, des décors impressionnants et des C.V des personnages. Amélie Bonnin, propose un film fin, délicat, où chaque ligne de dialogue fait mouche, respire l'humanité et la poésie, les attentions du quotidien et les pulls en laine, les papiers peints assortis aux robes de chambre.

Un film qui prend le temps de donner sens aux moindres détails, de laisser une veste rangée dans un carton de déménagement nous raconter tout un pan de jeunesse. Le cadrage à la fois pudique et maladroit va à l'essentiel, pour saisir l'émotion, l'intention des moindres choix, le temps des plans est juste, il nous laisse savourer et saisir les silences et délicatesses du banal.

Le film n'a pas peur des sentiments, après tout, si une chanson populaire sait mieux exprimer que n'importe quel dialogue les émotions, alors allons-y, décollons du réel sans jamais le quitter, juste pour mieux le savourer. Refaisons le trajet à l'envers, la ville qu'on laisse, les parents que l'on quitte, les paysages qui défilent dans le bus et les amours adolescentes qu'on emporte comme des chansons qui ne nous quittent jamais.

Partir un jour...

25 mn de douceur, sur Arte, jusqu'au 23 mai 2023.



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